Brand design : la vision de Laurent Vincenti

Lors d’une récente interview sur RFI, Laurent Vincenti nous parle de son métier de designer au service des marques. Tout le monde connaît ses créations qui font partie de notre quotidien : les identités visuelles de Total, de La Poste, de BNP Paribas, de Groupama… Ce qu’on sait moins, c’est que cette créativité prend racine dans la pratique bouddhiste.

C’est la raison pour laquelle Geneviève Delrue a invité Laurent Vincenti dans son émission “Religions du monde” le 21 juin autour de son livre Bouddhisme et capitalisme, paru en 2019. Ces deux notions si opposées en apparence sont-elles conciliables ? Comment les faire dialoguer? C’est à ces questions que Laurent Vincenti tente de répondre à partir de son expérience de consultant et de designer au service des marques depuis 30 ans :

Interview de Laurent Vincenti autour de son ouvrage Bouddhisme et capitalisme co-écrit avec Bertrand Rossignol et paru en 2019

Laurent Vincenti décrit son double métier de consultant et de designer :

Mon travail consiste à positionner les entreprises. C’est-à-dire de réfléchir avec les dirigeants, le Comex généralement, sur ce qu’on appelle aujourd’hui la raison d’être : pourquoi cette entreprise existe, d’où elle vient et où elle va. C’est ce qu’on appelle la plateforme de marque, tous les éléments qui vont guider son avenir. Donc, là on est très philosophique. Là je suis consultant. Après c’est le designer qui entre en jeu : je fais le logo, l’expression de cette plateforme de marque, et l’ensemble du design qui va être l’expression de l’entreprise vis-à-vis des gens qui travaillent dans cette entreprises et des clients.

La dimension philosophique est au centre de ce métier :

Il est indispensable quand on travaille sur la destinée des entreprises d’avoir un appui philosophique solide de manière à guider les entreprises vers un avenir meilleur, vers plus de compassion. Ça c’est ma mission de consultant designer : aider les entreprises à accompagner le monde qui est en train de changer vers une vision plus humaine, plus responsable, plus respectueuse…

L’enjeu est d’autant plus important aujourd’hui que les entreprises jouent un rôle croissant dans la marche du monde :

L’utopie s’arrête à partir du moment où l’on commence à agir. On est aujourd’hui dans une période clé où la main est aux entreprises qui vont décider de l’avenir du monde. Les gens ont confiance dans les entreprises, plus que dans les politiques, dépassés par les événements.

Elles ont donc besoin de philosophie pour travailler à un monde meilleur. C’est en cela que le bouddhisme, loin d’être inconciliable avec le capitalisme, est un des moteurs de son changement dans le bon sens, “le capitalisme compassionnel” :

En France, on a l’habitude de séparer religion et économie mais on peut dire que le capitalisme est basé sur des croyances : que l’enrichissement va rendre fondamentalement heureux. Notre civilisation a créé un monde ancré sur l’argent, ancré sur le profit, sur la consommation. La mécanique générale du capitalisme fonctionne plus ou moins, mais elle rend les gens profondément malheureux, elle crée des écarts impensables, elle détruit la planète. Il faut donc changer d’objet de culte. Le “capitalisme compassionnel” est un capitalisme vécu par des gens qui mettent au cœur l’humain et le bien-être.

On voit bien aujourd’hui que la société est en train d’évoluer vers ce modèle, à commencer par les jeunes :

Les jeunes sont en révolution complète dans leurs modes de consommation, dans leur mode de pensée. Ils préfèrent un travail dans une entreprise qui a du sens plutôt qu’un salaire élevé dans une autre entreprise. On est à l’aube d’un changement profond car les entreprises les écoutent. Il ne faut pas penser que les entreprises avancent toutes seules comme des tankers. Elles sont complètement rivées à l’opinion publique, notamment des jeunes. Lorsque les jeunes changent d’opinion sur les entreprises, les entreprises changent. C’est ce qui a amené des entreprises comme BNP Paribas ou Total a créer une direction de l’engagement sociétal. Ce n’est plus une fondation, ça fait partie du boulot de l’entreprise. Au-delà de faire du business, on va se poser la question “A quoi je sers, en quoi je contribue au bien-être des gens”.

De quoi nourrir l’optimisme des praticiens de la marque, plus convaincus que jamais que le branding est un puissant levier d’action sur les entreprises et nos sociétés.