La raison d’être en question(s)

Dans l’histoire du branding, le 26 juin 2020 serait certainement à marquer d’une pierre blanche. C’est en effet le jour de l’Assemblée générale de Danone qui en fera la première “entreprise à mission” côtée, et la plus emblématique. Le 26 juin c’est aussi — plus modestement — le jour choisi par le Cercle du branding pour animer sur ce thème son dernier séminaire avant l’été.

Il faut dire que ce mois de juin, mois des Assemblées générales par exellence, est le premier depuis le vote de la loi Pacte, en mai 2019. La raison d’être est devenue un incontournable des assemblées générales, pour paraphraser un récent article de l’AGEFI Quotidien. Lame de fond ou effet de mode ? En tout cas, c’est par dizaines que l’on voit fleurir les “entreprises à missions » parmi les grands groupes, comme Suez ou Safran, mais aussi parmi les ETI, voire les PME. “Affectées par la crise sanitaire, les AG se seraient même recentrées sur la raison d’être et le partage des efforts” selon un récent article de l’AGFI, “La RSE prend plus de place dans les assemblées générales du CAC 40“.

Les articles sur la question étant légion, voici à destination des professionnels de la marque une petite sélection d’articles récents pour essayer de faire le point sur ce sujet foisonnant.

Qu’est-ce que la loi PACTE ?

“Avec la loi PACTE, le gouvernement entend débloquer la croissance des PME et transformer l’entreprise. Mais qu’en est-il vraiment ? Quels leviers le gouvernement souhaite-il actionner pour rendre les entreprises françaises plus compétitives et plus en phase avec les grands enjeux contemporains ? Pour mieux comprendre, regardez cette vidéo réalisée par l’équipe de « Dessine-moi la société », avec Le Monde.”

Vidéo explicative proposée par Le Monde

Quel bilan un an après ?

Un article récent paru dans Le Monde du Droit, “Raison d’être et société à mission : le bilan après un an” nous propose une synthèse intégrant les actions menées par les grandes entreprises dans ce domaine. Il conclut sur le changement de rapport de force entre l’Etat et les entreprises, soulignés il y a quelques jours par Laurent Vincenti dans un récent article paru ici.

“L’État se trouve démuni face aux enjeux sociaux et environnementaux présents, ce qui le pousse à faire appel à l’action des entreprises. En découle la nécessité de repenser le rôle des entreprises dans la société à partir de l’enseignement aux nouvelles générations de la notion juridique de société.”

Le Covid-19 a-t-il eu la peau de la loi PACTE ?

C’est une des questions que pose Bertrand Valiorgue, professeur de stratégie et de gouvernance des entreprises à l’Université Clermont Auvergne, dans sa récente interview sur France Culture : “2020 aurait dû être l’année de la raison d’être . Il souligne un risque de régression :

[…] La loi PACTE avait réussi à embarquer tout le monde : dirigeants parties prenantes, syndicats, et même le MEDEF qui avait résisté pendant longtemps avant de comprendre l’intêret du sujet et de lui-même intégré une raison d’être dans ses statuts (voir cette tribune des Echos) Tout le monde semblait avoir compris la nécessité de faire bouger les lignes. Ce qu’a créé la crise, c’est la rupture de cette entente entre toutes les parties prenantes.”

Ou au mieux une bi-polarisation au sein du monde des entreprises :

« On peut s’attendre à des raidissements : le Medef va certainement estimer que la raison d’être c’était le monde d’avant, et qu’aujourd’hui la raison d’être de l’entreprise, c’est sa survie économique. D’autres à l’inverse, vont affirmer que la crise a révélé encore plus, s’il le fallait, l’urgence écologique, et qu’à ce titre raison d’être est plus que jamais d’actualité. Le risque, c’est que la situation polarise et radicalise les positions des uns et des autres, créant ainsi un blocage. Alors que Nicole Notat et Jean-Dominique Senard (les auteurs du rapport à l’origine de la loi PACTE) avaient réussi a en faire un objet consensuel. »

Nota bene: Une riche publication de cet universitaire intitulée “La Raison d’être de l’entreprise” est disponible en téléchargement ici.

Devenir “entreprise à mission”, un coup de com’ ?

L’avenir le dira. Mais une chose est sûr: Emmanuel Faber, le charismatique patron de Danone ne l’entend pas de cette oreille. Il pointe les dangers guettant une raison d’être circonscrite aux seules dimensions sociétales et environnementales et qui seraient ainsi déconnectées de la stratégie d’entreprise :

« Ce n’est pas business as usual d’un côté et philanthropie de l’autre, mais une démarche intégrée ».

À retrouver dans l’article du monde intitulé justement « Etre une “entreprise à mission”, ce n’est pas “business as usual” », selon le PDG de Danone.

Une belle conclusion pour les professionnels de la marque qui savent mieux que quiconque que l’alignement business/réputation passe nécessairement par une bonne gestion de la marque.