La raison d’être de la raison d’être

Une récente tribune parue dans Les Echos intitulée “Maximiser sa valeur, la raison d’être de l’entreprise” voyait dans la “raison d’être” dont se dotent les entreprises

surtout un moyen de les détourner de leur objectif naturel, qui est de maximiser leur valeur à long terme, et donc de dégager plus de richesses pour leurs actionnaires et pour la collectivité dans son ensemble.

Ceci est d’autant plus vrai quand la raison d’être n’est pas directement connectée au business. On est alors dans la dichotomie déplorée par Emmanuel Faber : d’un côté de la philanthropie, de l’autre “business as usual”. Ce travers a été récemment souligné dans un article de notre blog consacré à Uncle Ben’s devenu Ben’s Original.

Pour sortir de ce débat, on peut se demander tout simplement en quoi la raison d’être apporte objectivement de la valeur à l’entreprise.

La raison d’être, source de performance

En début d’année, dans l’article Le “purpose” à la manière du BCG nous avions rapporté l’approche du Boston Consulting Group qui tentait d’objectiver la corrélation entre raison d’être et performance. Cette démarche vient d’aboutir à la création d’un nouvel indice “qui ne prouve pas seulement que l’engagement sociétal et la performance financière d’une entreprise sont conciliables, mais qu’ils vont en fait de pair ” analyse un récent article des Echos (“Une entreprise engagée sur le social et l’environnement est plus performante, d’après le BCG“).

L’indice de l’engagement sociétal (IES), né du travail commun de deux entités du BCG, BrightHouse (dédiée à la raison d’être) et BCG Gamma (dédiée à l’intelligence artificielle) a mesuré chacune des entreprises du Cac 40 sur le plan de son engagement social, de sa performance environnementale, de son comportement éthique et de son discours sociétal. L’indice prend ainsi en compte l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise (employés, partenaires, actionnaires, clients et société), dans toutes ses activités (actions, gouvernance, communication et réputation).

En définitive, l’indice met en lumière, de manière inédite

une corrélation entre le niveau d’engagement sociétal et la performance financière d’une entreprise. Le score obtenu dans l’Indice permet en effet d’expliquer 17 points supplémentaires du TSR – Total Shareholder Return- sur cinq ans des entreprises du CAC 40.

Engagement Sociétal : Qui Sont Les Champions Du CAC 40 ?

La raison d’être, outil de protection juridique

Autre élément de réponse : un récent article de l’AGEFI, intitulé “La « raison d’être » constitue une mesure anti-OPA efficace”, explique comment elle “complète l’arsenal de défense des sociétés françaises.” Selon Hubert Segain, avocat associé chez Herbert Smith Freehills

La raison d’être et les enjeux environnementaux et sociaux pourraient devenir des moyens efficaces de défense du conseil de la société cible, en invoquant une incompatibilité avec ses valeurs ou ses missions.

Cet outil juridique vient d’être utilisé par le conseil d’administration de Suez pour appuyer son souhait d’assurer juridiquement la pérennisation de SUEZ Eau France au sein du groupe SUEZ face à l’offensive de Veolia :

[…] le conseil d’administration a considéré, dans le cadre du projet hostile de Veolia, qu’une éventuelle cession de SUEZ Eau France serait contraire à la raison d’être et à l’intérêt social de SUEZ, comme à celui de ses parties prenantes et en particulier de ses salariés. Depuis son origine, l’activité Eau France de SUEZ, à travers sa filiale SUEZ Eau France, est une composante essentielle, au cœur de la stratégie du groupe. Elle constitue l’un des piliers des ambitions de création de valeur à travers le plan SUEZ 2030 et est une composante première de sa raison d’être.

Communique de presse du 23 septembre 2020

Il est à parier que la notion de raison d’être, souvent perçue par les dirigeants comme un élément purement cosmétique, saura s’intégrer petit à petit aux stratégies globale des entreprises pour maximiser leur valeur.